Protéger l’intérêt public?
La dévolution de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario
Contexte
Contrairement à presque toutes les autres administrations canadiennes, l’Ontario s’est dotée en 1997 d’un organisme établi par voie législative pour réglementer la profession enseignante. L’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (OEEO), créé en vertu de la Loi de 1996 sur l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, a le mandat de réglementer des aspects essentiels de la vie professionnelle de ses 231 053 membres. Son rôle est de favoriser la confiance du public à l’endroit de l’éducation; il doit rendre compte à la population de la façon dont il s’acquitte de ses responsabilités; il assure l’établissement de normes appropriées pour la formation du personnel enseignant et accrédite les programmes de formation à l’enseignement. L’OEEO délivre des certificats de qualification aux membres du personnel enseignant qui satisfont aux critères et publie un registre de tous les membres. Il définit et applique des normes professionnelles de pratique pour le personnel enseignant. Dans le travail de l’Ordre, c’est l’intérêt public qui prime, et non pas les intérêts individuels ou collectifs des membres de la profession enseignante.
L’Ordre a été créé en tant qu’organisme d’autoréglementation. L’essence de l’autoréglementation professionnelle est que les membres d’une profession donnée sont les mieux placés pour comprendre, conseiller, orienter et juger leur profession. Comme l’a déclaré l’adjoint parlementaire du ministre de l’Éducation lors du dépôt de la Loi sur l’OEEO (projet de loi 31) devant le comité permanent qui l’a étudiée :
« [TRADUCTION] En donnant aux membres du personnel enseignant le pouvoir de réglementer leur profession, nous plaçons la responsabilité de l’excellence de l’enseignement entre les mains des personnes les plus qualifiées pour savoir ce qu’une enseignante ou un enseignant devrait et doit être, aujourd’hui et à l’avenir. […] Après tout, ce sont les membres du personnel enseignant qui, comme les autres professionnelles et professionnels de l’Ontario, établiront les normes qui régiront leur formation et l’exercice de leur profession tout au long de leur carrière. […] Dans la rédaction de ce projet de loi, nous avons appris de la même politique publique de base qui caractérise plus de 30 autres organismes professionnels autoréglementés en Ontario. […] L’Ordre sera doté d’un conseil de 31 membres, dont plus de la moitié seront des membres du personnel enseignant qualifiés. Le public sera également représenté au conseil, pour faire en sorte que l’Ordre serve les intérêts de la communauté élargie, ainsi que les intérêts professionnels du personnel enseignant. » Toni Skarica, le 15 avril 1996
La taille du conseil d’administration de l’OEEO a par la suite été élargie à 37 membres, dont 23 membres de la profession enseignante et 14 membres du public nommés par le gouvernement. Les membres de la profession enseignante étaient élus au moyen d’un robuste processus électoral démocratique et transparent qui constituait le meilleur moyen de s’assurer que les membres du conseil issus de la profession enseignante reflètent la diversité de la profession enseignante à l’échelle de l’Ontario.
La fin de l’autoréglementation
Le 26 novembre 2018, le conseil d’administration de l’Ordre a reçu un rapport d’examen de la gouvernance rédigé par Governance Solutions Inc. (GSI) concernant la gouvernance de l’Ordre. Ce rapport laissait entendre que l’autoréglementation du personnel enseignant de l’Ontario ne fonctionnait pas et recommandait que les membres de la profession ne soient plus majoritaires au conseil ou aux comités du conseil. Le rapport de GSI a omis d’établir une comparaison avec la structure et l’expérience en matière de réglementation de nombreux autres organismes professionnels comparables de l’Ontario, se contentant plutôt d’énoncer des concepts simples de gouvernance d’entreprise (plutôt que d’autoréglementation professionnelle). En dépit des nombreux efforts déployés par les fédérations de personnel enseignant pour faire ressortir les difficultés que créait le rapport de GSI, le conseil d’administration de l’Ordre a choisi d’appliquer la majorité des recommandations contenues dans le rapport.
Dans le cadre de son projet de loi 229 (mesures budgétaires), l’administration Ford a adopté l’annexe 33 modifiant la Loi sur l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, qui a reçu la sanction royale le 8 décembre 2020. Ce projet de loi comprenait des changements à la structure de gouvernance et à l’administration de l’Ordre. Ce dernier aura désormais un conseil d’administration réduit, formé de neuf (9) membres de la profession enseignante nommés par le conseil et neuf (9) membres du public nommés par le gouvernement. Essentiellement, les membres de la profession enseignante ne détiendront plus la majorité des voix au conseil de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.
Pour la période de transition vers le nouveau modèle de gouvernance, le gouvernement provincial a nommé un superviseur de la transition, M. Paul Boniferro. Ce dernier a dissous le conseil existant de l’Ordre au début de 2021 et agit en lieu et place du conseil jusqu’à la mise en place du nouveau conseil, en février 2022.
Plutôt que d’être élus, les membres de la profession enseignante qui siégeront au nouveau conseil d’administration seront choisis au hasard parmi un bassin de candidatures établi au moyen d’un processus de sélection fondé sur les compétences. Les candidatures au conseil et aux comités ainsi que les listes de service ont pris fin le 30 septembre 2021. Les candidates et candidats retenus seront avisés d’ici le 1er décembre et seront annoncés publiquement avant le 23 décembre 2021 sur le site Web de l’Ordre. Leur mandat commencera le 1er janvier 2022. Les pouvoirs prévus par la Loi seront transférés du superviseur de la transition au conseil et aux comités le 1er février 2022.
Les neuf membres du public qui siégeront au conseil continueront d’être nommés par le gouvernement provincial et ne devront jamais avoir été membres de la profession enseignante. Les membres de la profession enseignante nommés au nouveau conseil d’administration ne devront pas, au cours des trois années précédentes, avoir été élus, nommés ou employés à quelque niveau au sein de 13 associations (y compris la FEO et les quatre filiales de personnel enseignant). Les membres du conseil pourront également siéger à au moins un des comités suivants : vérification et finances, ressources humaines, sélection et candidatures.
Le 7 octobre 2021, le gouvernement conservateur a adopté le projet de loi 13, Loi de 2021 visant à soutenir la population et les entreprises. Ce projet de loi comprend d’autres changements à la gouvernance de l’Ordre, notamment la réduction du nombre de membres du conseil, qui passerait désormais de 18 à 12. Ce changement a été proposé au ministre de l’Éducation par le superviseur de la transition Boniferro, et non par le dernier conseil d’administration. Cette mesure semble suivre un modèle de gouvernance d’entreprise, plutôt qu’un modèle d’organisme d’autoréglementation. Le projet de loi 13 modifiera également la composition des sous-comités des comités statutaires pour qu’au moins un membre des sous-comités soit membre de l’Ordre et que les sous-comités comptent au moins un membre du public. En vertu de la nouvelle loi, le registraire aura désormais le pouvoir, auparavant conféré au conseil d’administration, de nommer des personnes au poste de registraire adjoint.
Pour la suite des choses
Il est crucial que les membres de la profession enseignante et les membres du public de l’Ontario soient mis au courant de la transformation de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Il reste à voir l’impact qu’auront les changements apportés à la gouvernance sur l’OEEO et, finalement, à la profession enseignante. Dans l’exercice de leur mandat prescrit par la loi, qui est de défendre la profession et d’en être le porte-parole, la FEO et ses filiales continueront d’examiner attentivement le travail de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. La FEO et ses filiales continueront de souscrire au principe qui sous-tend l’autoréglementation, c’est-à-dire, que les membres de la profession sont les personnes qui connaissent le mieux la profession et qui sont les mieux placées pour la réglementer.
Liens supplémentaires
Cliquez sur le lien suivant pour consulter le mémoire publié précédemment par la FEO sur les changements proposés à la structure de gouvernance de l’Ordre : https://www.otffeo.on.ca/fr/wp-content/uploads/sites/3/2019/02/French-OTF-Submission-to-OCT-Governing-Council-re-Governance-Review-Report-1.pdf
Octobre 2021